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Revogne & son Château

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La Géologie

à Revogne

 

La Calestienne

Calestienne, un mot qui sonne bien, un vieux mot bien de chez nous, et pourtant... inconnu de beaucoup.

Ni le Robert, ni le Larousse, ni les Guides géologiques, ni le Dictionnaire des termes géographiques, ni les encyclopédies n'en parlent... et pourtant, la Calestienne existe vraiment.

Ainsi en est-il de la Calestienne : oubliée, perdue, inexistante... et pourtant c'est une région particulière de notre pays, qui existe de toute éternité, mais qui en a déjà entendu parler ???

Par contre, la Famenne est bien plus connue et en fait, la Calestienne a vécu longtemps dans l'ombre de la Famenne, dans laquelle elle s'est toujours fondue et avec laquelle on l'a toujours confondue. Cependant, la Calestienne est bien une région géographique et géologique particulière.

C'est une région géographique "coincée" entre, d'une part, les Ardennes françaises au Sud et les Ardennes belges au Sud-Est et d'autre part la Famenne et le Condroz au Nord.

C'est donc une bande de terres d'une largeur de plus ou moins 10 km s'étendant de Chimay à Aywaille et comportant des terrains d'âge Dévonien (Emsien, Eifelien, Givetien, Frasnien et Famennien) vieux de 350 millions d'années.

Les "vieux" de chez nous emploient encore le terme "Calestienne", les forestiers, les anciens mineurs de Villers-en-Fagne qui "battaient la mine dans le plomb", les carriers..., tous connaissent ce mot qui semble venir d'un passé lointain oublié de tous, un mot qui résonne le patois de chez nous, un mot de notre "entre Sambre et Meuse"

Dans le tome 28 (1925) du "Bulletin de la Société centrale forestière de Belgique", le mot Calestienne est utilisé à la p. 123, dans l'expression :

"...la base schisteuse des mamelons calcaires dits Calestiennes..."

et défini ainsi en note infrapaginale :

"On entend par Calestiennes les affleurements calcaires de la Famenne et de l'Entre-Sambre-et-Meuse".

A la p. 364 du même tome, le mot est à nouveau cité :

"en Calestienne, comme on a baptisé les friches calcaires d'Entre-Sambre-et-Meuse..."

 Mais c'est à la p. 201 du même bulletin que l'origine du mot est précisée, dans une note signée B., initiale désignant L. BLONDEAU , forestier belge, :

"... Ceci dit, Calestienne est du terroir sambre-meusien; les gens de ce pays appellent ainsi les collines calcaires qui s'étendent au Nord des grès et des schistes rouges du Burnotien jusqu'aux schistes gris de la Fagne ; on dénomme encore ainsi les pitons de calcaire qui dépassent le Nord de la Fagne ou y sont répartis. C'est nous qui avons introduit ce nom dans la terminologie officielle au cours d'une gestion qui englobait pendant la guerre toutes les forêts publiques du sud du Hainaut et de la province de Namur. Si le calschiste ou calcschiste est une roche schisteuse avec rognons de calcaire argileux, la Calestienne est une masse, une montagne de calcaire, des étages Couvinien, Frasnien ou Givetien." 

Monsieur Fourneau (prof de géologie à Vierves) explique aussi que c'était bien monsieur Blondeau qui était à l'origine de ce mot. Il précise en outre que le mot Calestienne dérive du mot "calestine". La calestine était autrefois un amendement calcaire qui était épandu sur les terres cultivables dans la région.

Ainsi, malgré le fait qu'on pourrait très facilement se laisser aller à croire, trop facilement peut-être, que le mot Calestienne est composé de deux mots (en effet, on pourrait croire y reconnaître le mot wallon tiène évoquant les fameux tiènnes calcaires (butes calcaires), typiques de cette région; et pour la première partie du mot, dans laquelle on pense voir la racine cales évoquant le calcaire),on doit se rendre à l'évidence que "Calestienne" fait avant tout référence à "pierre calcaire" et même "pierre à chaux".

Mais allons faire un petit tour dans cette région dont, je l'avoue, je suis tombé amoureux dans les années 1970...

Rêverie au pays des prairies...

Entre le plateau du Condroz et le massif ardennais, voici un pays attachant, de larges horizons verdoyants, des prairies humides tachées de vaches laitières : c'est la vaste dépression de la Famenne et du bourrelet calcaire de la Calestienne qui s'allonge sur 60 kilomètres, de Chimay à Aywaille en passant par Givet et Durbuy. Au nord, la limite est marquée par une succession de villages aux noms charmants, comme Vierves, Nismes, Treignes, Falmagne, Forzée, Borlon, nichés au pied de la dernière crête condrusienne. Au sud, un véritable bourrelet calcaire, la "Calestienne" des géographes, semble surgir des profondeurs de la terre pour s'ériger en une ligne de collines souvent boisées et qu'on appelle là-bas des "tiennes". Ainsi enserrée entre des plateaux plus élevés, la Famenne se distingue par sa géologie : d'épais bancs de schistes affleurent et la dépression leur doit son existence.

On connaît cette roche fragile, de nature argileuse, faite de plaquettes qui lui donnent un aspect feuilleté. Mais sait-on qu'elle fut la grande victime des périodes froides que nos régions ont connues au cours du dernier million d'années? Sous l'action du gel (rappelez-vous : la glace occupe un plus grand volume que l'eau) ses joints gorgés d'eau se dilatèrent et, les unes après les autres, les fines lamelles éclatèrent en minuscules fragments enrobés d'argile. Voilà une belle illustration de l'expression "geler à pierre fendre"!  Sur les versants, ces débris s'écoulèrent lentement, colmatèrent les creux, nivelant progressivement le paysage. Puis, les cours d'eau prirent en charge ces matériaux et accomplirent ce long travail d'érosion qui leur est dévolu depuis des millénaires, parachevant ainsi l'œuvre entreprise et approfondissant peu à peu la région.

 C'est à hauteur de Focant, sur la butte qui mène au village de Hour, que l'on saisit le mieux cet extraordinaire travail d'usure. Nulle part, la disposition étagée d'un paysage n'apparaît mieux qu'ici, devant cette "plaine", soulignée vers le sud par les contreforts de la Calestienne qui se dressent brutalement dans le lointain et dominés eux-mêmes par la masse imposante de l'Ardenne.

Sur un sol imperméable, la Famenne déroule pour notre plaisir des fonds de vallée verdoyants, des moissons qui se dorent au soleil de l'été et surtout ces prairies de fauche, spectacle traditionnel des mois de juin que parfume l'odeur du foin fraîchement coupé ... Seuls quelques bois piqués au milieu de la dépression viennent jeter leur note sombre dans le paysage, nous rappelant que l'antique Famenne fut d'abord une zone forestière.

 

Paysage typique de la Calestienne en été aux environs de Beauraing (Photo L.V.B.)

C'était la "Falminia" des Romains qui, comme ailleurs, avaient tracé ici une route. Et pour éviter une trop forte dénivellation, ils avaient choisi de suivre le pied de la Calestienne, le bourrelet calcaire qui limite la Famenne au sud. Là se fixa très tôt un habitat dense qui favorisa le défrichement, révélant sur le calcaire des sols légers, peu profonds, faciles à cultiver. Ainsi l'histoire et la géologie s'unissaient pour séparer les forêts d'Ardenne et de Famenne. Il n'est pas étonnant dès lors que les bosquets épars qui parsèment encore la dépression soient presque tous connus dans la région sous le nom de "famenne", témoignage de cette forêt primitive que des siècles d'exploitation allaient morceler et amoindrir. Telle est la "famenne" de Beauraing qui, au XVIIe siècle encore, se soudait à deux massifs boisés dont les restes subsistent à Baronville et à Hour. Parfois ce sont les terres cultivées qui portent encore ce vocable de "famenne".  C'est le cas à Hour où on désigne ainsi cette grande plaine étalée devant Focant et d'où émergent seulement quelques rares boqueteaux, dernières reliques du passé forestier.

L'antique forêt est arrivée jusqu'à nous sous forme de bois de chênes mêlés d'érables et de bouleaux. Dans les taillis prolifèrent les charmes, au milieu des massifs épineux d'aubépines et de prunelliers. Un tapis herbacé d'une rare beauté accentue les merveilleux contrastes de couleurs que nous offrent ici les humbles fleurs des sous-bois. Voici la ficaire jaune, si semblable à sa sœur, cette renoncule qu'enfant nous appelions bouton d'or. Voici le lamier dont les feuilles ressemblent à s'y méprendre à celles de l'ortie: rassurez-vous, elles ne "piquent" pas !

Ces sols argileux, humides, peu perméables, s'accommodent mal de la mise en culture. Aussi les prairies de fauche et les pâturages occupent-ils en Famenne d'immenses étendues : la flore a beaucoup souffert, dans son abondance et sa variété, de cette exploitation intensive. De-ci de-là, dans les zones les plus humides, apparaissent cependant encore ces roseaux qu'on appelle carex ou des joncs utilisés en vannerie. Mais le colchique à la parure automnale si somptueuse a presque totalement disparu ...

Les rivières qui coulent en Famenne ont perdu l'aspect torrentueux qui faisait leur charme dans leur Ardenne natale.

Elles se calment, glissent silencieusement au milieu des prés, curieusement assagies. A peine discerne-t-on un très léger bruissement, pareil à une musique fragile et furtive qui court le long des rives parées d'iris jaunes. Et à celui qui cherche le repos, il suffira de suivre, solitaire, les eaux claires de la Lesse, de Lessive à Wanlin. Il longera les petits ruisseaux qui viennent s'y perdre. Il passera sous le château royal de Ciergnon, perché au-dessus de son méandre. Partout il trouvera une nature sereine qui l'incitera à la rêverie, mais aussi au plaisir de la découverte, dans une région peu connue et dont le cœur bat encore au rythme heureux des saisons.

Des récifs coralliens comme en Australie : les "Tiennes" de la Calestienne...

Blottis au creux de cette vaste dépression qui accueille la Fagne et la Famenne, voici de petits villages endormis, encore tout empreints de l'atmosphère sereine du passé. Les maisons en pierre du pays somnolent, tranquilles, sous la protection d'une ferme-château, véritable forteresse flanquée de tourelles et témoin des périodes troublées des siècles passés. Calme et simplicité de la nature : parfois entourées de haies vives, des prairies vert tendre alternent avec des massifs boisés aux couleurs soutenues. Car dans ce pays, le sol est argileux : il résulte de la lente altération des terrains schisteux. Lourde et humide, la terre est ainsi propice aux pâturages.

Au loin, des collines veillent sur ce bout du monde et élèvent leurs formes arrondies et massives au-dessus de l'horizon. Dans la région, on les appelle "tiennes" ou "tiènes". Très fréquentes dans les environs de Boussu-en­Fagne, de Roly et de Nismes, elles portent des noms bien pittoresques: le tienne aux Pauquis, c'est la colline aux pâturages et le tienne aux Macralles, plus inquiétant, c'est le mont aux sorcières !

Etonnantes collines calcaires!  Leur histoire remonte à un passé géologique bien lointain, quand, à l'ère primaire, il y a plus de 400 millions d'années, des mers tropicales recouvraient la région. Dans ces eaux chaudes, milieu privilégié des coraux, on a vu proliférer des édifices calcaires, de véritables récifs. Pensez à l'Australie et à sa Grande Barrière de Corail : l'origine est semblable... à une autre échelle ! Epargnés par l'érosion (ce qui n'était pas le cas des schistes), ces récifs coralliens ont émergé peu à peu : ce sont les tiennes de la Fagne d'aujourd'hui.

Qu'ils soient boisés ou couverts de ces "pelouses" typiques des roches calcaires, les tiennes constituent pour les botanistes un terrain de choix pour l'observation d'espèces végétales et animales peu communes dans notre pays. Pour les historiens et les géographes, ces collines, sites défensifs par excellence, attestent de l'ancienneté de l'occupation par l'homme. On y a retrouvé des traces humaines remontant à la préhistoire, des fortifications datant de l'époque romaine et maints autres vestiges du passé.

Les tiennes évoquent aussi l'économie rurale de nos ancêtres, lorsque, sous la conduite du berger communal, le herdier, les moutons et les chèvres du village allaient pâturer dans les bois et sur ces collines incultes. Mais il est bien loin, ce temps des grands troupeaux, des bergers et des chiens ! Aujourd'hui, la végétation reprend ses droits; et pins, chênes ou érables tapissent souvent les versants de ces vieilles buttes calcaires.

 Ainsi chacun de nous trouvera ici quelque raison d'explorer l'un ou l'autre tienne. Venus du fond des âges géologiques, arrivés jusqu'à nous à travers la longue histoire des hommes, ces paysages insolites méritent bien une halte.

Des gouffres où on jetait les chiens : les Abannets...

 A notre époque, l'exotisme se vend très bien et le dépaysement est le cheval de bataille de toutes les agences de voyage. Périples de rêve et croisières inoubliables envahissent les dépliants publicitaires. Mais est-il vraiment nécessaire d'aller si loin pour s'émerveiller? Faut-il à tout prix avaler des kilomètres pour atteindre aux sommets de l'insolite et du pittoresque? A ces questions on peut répondre par une autre : connaissez-vous le Fondry des Chiens, le Matricolo et la Roche Trouée? Non? Alors suivez-nous!

Laissons-nous vous guider par la route qui relie Philippeville à Mariembourg, deux petites cités fondées sous le règne de Charles-Quint, l'une en l'honneur de son fils, Philippe II, l'autre de sa sœur, Marie de Hongrie. Quittons la route nationale et, par le chemin des écoliers, gagnons Nismes, petit village attachant niché au cœur de la vallée de l'Eau Noire. Nous sommes dans l'étroite bande calcaire qui borde l'Ardenne. Des merveilles insoupçonnées nous attendent ici, sur ce fameux plateau des Abannets qui plante son relief boisé à l'est de notre lieu d'étape.

Ce nom d'Abannets est déjà toute une histoire et son origine, très controversée, mérite une explication. Les géologues désignent ainsi les nombreux gouffres qui entaillent ici le plateau calcaire. Quant aux historiens, ils remontent au XVIIIe siècle : pour eux, ces excavations étaient des lieux à éviter, "à bannir" de toute présence humaine, car elles présentaient un réel danger pour l'homme et son bétail. Ce qui ne manque pas de pertinence !  Etrangement hérissés de monolithes cannelés, ces gouffres sont en effet de véritables abîmes : 30 mètres de profondeur et 200 mètres de diamètre !

Ces cavités béantes se sont creusées il y a bien longtemps, à la suite de la lente dissolution du calcaire par l'eau. Puis cette région, comme tant d'autres, fut recouverte par la mer, et ces gouffres se remplirent de sables riches en fer qui furent exploités jusqu'au XIXe siècle. Ces dépôts sont encore visibles dans le fond de certains Abannets. L'industrie du fer est en effet très ancienne dans la région : elle remonte au moins à l'époque romaine. Au XIXe siècle, les résidus de la transformation du minerai, ces scories appelées ici crayats, s'accumulaient encore en vastes monticules le long de la route de Nismes à Saint-Joseph. Cette longue tradition métallurgique se perpétue encore de nos jours à Couvin où les poêleries gardent une certaine importance.

Certains auteurs voient d'ailleurs dans cette activité l'origine du nom donné au Fondry des Chiens, le plus célèbre de ces gouffres par ses dimensions. Selon une vieille tradition, l'expression "des chiens" signifierait tout simplement "des mécréants", "des païens" et aurait autrefois désigné les personnes étrangères à la région. Ainsi le nom de "Fonderies des Chiens" évoquerait cette activité séculaire pratiquée par des artisans venus d'ailleurs. Selon une autre tradition, cette mystérieuse dénomination proviendrait -vous l'aurez deviné- de l'habitude qu'avaient les gens du pays de jeter les cadavres de leurs chiens dans ces gouffres. Mais peu importe ! Admirons ce relief tourmenté ... Les parois lisses des versants et les petites aiguilles rocheuses du Fondry des Chiens composent un étrange paysage lunaire, véritable jeu de construction, excellent terrain d'entraînement pour les alpinistes et les spéléologues débutants.

Retournons vers Nismes pour emprunter le sentier qui, de l'autre côté de la vallée, nous conduit sur le plateau du Bois Mousty.  Là s'ouvre sous nos pieds une vaste dépression en forme d'entonnoir : c'est le Matricolo, un autre gouffre très profond qui, au milieu des conifères, enfonce ses parois dans le calcaire. Quelques mauvaises marches permettent d'y descendre. Une légende locale rapporte, mais sans préciser les faits, qu'au siècle dernier, des ouvriers occupés à l'exploitation du fer perçurent un jour des bruits inquiétants d'effondrement. Effrayés, ils remontèrent rapidement, persuadés sans doute d'avoir échappé au diable!  Cet épisode, certainement amplifié par la tradition, signifie peut-être que cette cavité est en relation avec un trajet souterrain de l'Eau Noire. Mystère ...

Le nom de Matrico lui-même est curieux. Doit-il son origine à la déformation de Mathieu Colot en Mati Colot qui aurait évolué au cours des temps en Matricolo? Simple hypothèse!  Car ce Mathieu Colot, dont certains anciens du village ont, semble-t-il, encore quelques vagues souvenirs émergeant de leur enfance, est, depuis longtemps, tombé dans l'oubli. S'il a jamais existé ...

 En quittant ce plateau, nous rejoignons la route en direction de Saint-Joseph. Non loin de ce hameau se dresse une colline calcaire aux pentes raides. Après une courte ascension, nous voici devant la Roche Trouée. Quel spectacle!  Ici aussi, patiemment, les eaux ont percé la roche, creusant une étonnante cavité, œil de géant au travers duquel le paysage apparaît comme un tableau qu'on aurait encadré. Ce site admirable, par sa situation autant que par son panorama, fut occupé très tôt par l'homme.

Car cette région est aussi une vieille terre d'histoire. On ne peut en effet négliger l'empreinte indélébile des civilisations qui se sont succédé ici. Les souvenirs historiques, les curiosités géologiques, les paysages riants de ce morceau d'Entre-Sambre-et-Meuse valent assurément un détour.

De vieux villages dans leur écrin de verdure : le Viroin...

Prenons donc la peine d'ouvrir un atlas et repérons ce Viroin Toujours le même paysage... mais qui s'en lasserait? Un petit cours d'eau bordé vers le nord par une étroite bande de roches calcaires qui porte le nom de "Calestienne".   Là se disséminent de curieuses collines appelées "tiennes" et couvertes de bois, de taillis ou encore d'une pelouse sèche et rase, riche en espèces végétales peu communes sous nos climats. Elle domine la vaste dépression schisteuse de la Fagne où la teinte claire des prairies alterne avec les taches sombres des forêts. A l'horizon, toujours vers le nord, se profilent les crêtes condrusiennes. Vers le sud, de l'autre côté de la vallée et couronnant le sommet du versant, s'avance la masse inquiétante et compacte de la forêt ardennaise.

Le Viroin commence son périple au pied de la Roche à Lomme. Puis il enserre en un ample méandre le célèbre plateau des Abannets, percé de gouffres tourmentés qui s'ouvrent brusquement aux pieds des promeneurs, comme de gigantesques puits. La vallée s'insinue alors entre des collines couvertes de buissons, de taillis de chênes ou même de buis, dernière irradiation de la végétation méditerranéenne.

Un peu en retrait de la vallée, voici les maisons de Dourbes, curieux village adossé à un énorme escarpement rocheux, blocs de pierres grises qui se chauffent au soleil. Non loin, de hautes frondaisons dissimulent, admirablement situées sur un abrupt, les ruines du château fort de Haute-Roche. Il ne connut jamais de châtelain et il évoque, non pas la "vie de château" mais l'atmosphère rude des garnisons.

Contournant un autre tienne en un large et harmonieux méandre, la rivière enfin s'élargit au milieu des prairies et s'installe à partir d'Olloy entre la bande calcaire et le massif ardennais. Olloy, c'est une petite cité touristique un peu hétéroclite où les nouvelles constructions n'ont heureusement pas fait disparaître le vieux noyau de maisons en pierres de taille. C'est près du pont de pierre, de "l'autre côté de l'eau", que tournait la roue du moulin banal. C'est là aussi que s'amorce la route en corniche vers Vierves : elle grimpe le long de rochers escarpés, tandis qu'à droite, le Viroin coule entre des buissons à demi sauvages. Puis la rivière se divise en deux bras qui se rejoignent à l'entrée de Vierves, serré autour de l'élégante silhouette de son château de la fin du XVIIIe siècle, mais dont l'origine est beaucoup plus ancienne. Le village qu'il protège passe pour le plus ancien de la vallée dont il aurait pris le nom "Vima" qui a donné Viroin mais aussi "Virvia", francisé en Vierves.

Le village n'a guère changé depuis le XVIIIe siècle.  Il a conservé de nombreuses maisons en pierres de taille, qu'il est bien agréable de découvrir lentement en flânant par les rues et les venelles pentues. Serpentant entre les tiennes, le Viroin poursuit sa route, frôle l'Ardenne et joue avec le chemin de fer. La route domine la vallée et permet de belles échappées sur celle-ci, sur un coin de village, sur des toits. Que d'admirables perspectives nous sont ici ménagées !  Ainsi découvre-t-on Treignes et sa majestueuse église. Là aussi, le cœur du village est resté intact, avec ses belles maisons en pierre calcaire, ses toits d'ardoise et sa prestigieuse ferme-manoir. Là aussi, les jardins descendent jusqu'à la rivière que franchit un vieux pont de pierre. Un large chemin d'exploitation forestière monte vers la forêt ardennaise à la découverte d'un charmant et pimpant hameau construit en pierres du pays au milieu d'une clairière : c'est Le Mesnil.

Quant à la route, elle se subdivise à hauteur de l'ancien moulin de Mazée : une branche suit le Viroin qui court vers la France et la Meuse, l'autre monte vers Mazée. Des hauteurs de ce village, on découvre une très belle perspective, vers l'amont, de cette vallée du Viroin, mélange subtil de paysages fagnards, de forêts mystérieuses et de vallons tranquilles.

 Alors, dites-moi... comment ne pas tomber amoureux d'une si belle et si riche région ?

 Texte de Luc Van Bellingen

 

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