Revogne, actuellement petit hameau de Honnay, faisant partie de la commune de Beauraing, fut de tout temps habité, et connu par le passé ses heures de gloire.
Déjà à l'époque préhistorique, on retrouve un habitat dans la grotte de Revogne ("le trou des Nutons"). Par la suite, la romanisation de la région ne fait aucun doute, et Revogne comme toute la Famenne a connu une présence romaine. Son emplacement stratégique le long de la voie romaine (Saint-Quentin, Givet, traversait Revogne pour se diriger ensuite vers Arlon et Trèves "Trèves qui fut au IVe siècle la résidence de l'empereur") justifia la présence des Romains. Jusqu'au XIIIe siècle, les voies romaines étaient pratiquement les seules voies de communication vers les grands centres urbains. Pour la période mérovingienne, l'habitat à Revogne est attesté par les fouilles de nombreux cimetières dans la région, dont certaines à Revogne même. (Fouille d'un cimetière du VIIe siècle entrepris à Revogne au lieu-dit "Bouchet". Revogne aurait donc reçu son nom d'un germain, à l'époque des invasions. La première citation de Revogne date de 817 sous le nom de RUVOGNA. La période seigneuriale (la famille noble de Revogne 943-1154) En 943, Engon de Revogne (noble: Vir Nobilis au Xe siècle a une valeur toute spéciale, ce terme désigne l'ancienne "Nobilitas" dont les origines remontent très souvent aux temps carolingiens. C'est donc une famille importante, tant par son rang que par ses possessions, comme la Famenne n'en comptait que trois ou quatre), signe la charte de Stavelot. En 1154, il reste 4 frères de la famille de Revogne. L'un meurt, et les trois autres rentrent dans les ordres comme moine à l'abbaye de Waulsort. Dès lors, ils vendent toutes leurs terres, ainsi que Revogne au prince Évêque de Liège: Henri de Leez. Les Princes Évêques de Liège Avec les Évêques de Liège, le château fortifié de Revogne, du début du 10ème siècle, devint une prévôté et le point de défense de la principauté liégeoise. Elle est le centre d'une ville forte entourée de remparts (plus ou moins 100 mètres de remparts subsistent encore), datant de 1241 et comportant trois portes : la porte de Lomprez, du Levant et du couchant, dont il reste peu de trace, hormis la porte de Lomprez encore visible actuellement, mais qui à l'époque était beaucoup plus haute et s'accompagnait d'une tour de défense.
A noter que la grotte servait de
souterrain pour échapper aux assaillants en cas de siège
ou pour prendre l'ennemi à revers. En effet, la sortie
de la grotte se situait en plein bois à l'extérieur du
rempart.
Encore faut-il se remettre en mémoire les données de l'époque. Un petit seigneur de Famenne faisait la guerre à son voisin avec moins de 30 hommes. Revogne avait une garnison permanente de 25 hommes et pouvait, lorsque le besoin s'en faisait sentir, lever une armée dans les villages qui dépendaient d'elle, de +/- 250 hommes. Ce qui représentait un grosse armée au moyen âge. La prévôté de Revogne, comprenait les villages de: Honnay, Wancennes, Vencimont, Villers-sur-Lesse, Bure, Tellin, Ave, Lavaux-Sainte-Anne, Wavreille, Belvaux, Neuville, Baronville, Mesnil-Saint-Blaise,Mesnil-I’Eglise, Maison-Celles, Falmignoul, Chaleux et Anseremme.
Revogne s'était fait beaucoup d'ennemis de part ses exactions et ses attaques ressemblant souvent à du pillage (ex. le 17 octobre 1465, Revogne aidée des Dinantais prenait d'assaut le château de Mirwart, pourtant réputé comme l'un des plus importants de la région). La garnison de Revogne s'était mise à dos le Duc de Bourgogne qui venait justement de signer la paix avec le roi de France. Il n'en fallait pas plus. le 18 août 1466, les armées du comte de Charolais étaient devant Dinant pour perpétrer contre la malheureuse ville abandonnée de tous une des pages les plus sanglantes de l'histoire du pays wallon. La ville fut entièrement détruite. Revogne qui avait été à la pointe du combat, ne fut pas épargnée. Le château fut détruit et les remparts démantelés. La fureur et le désir de vengeance de Louis de Bourbon s'appesantit encore longtemps sur les habitants de Revogne et sa prévôté. Du château fortifié, on peut encore voir actuellement des murs, et une caves. Et, comme dit plus haut, une centaine de mètres de rempart, ainsi que la porte de Lomprez. Nous reste également le puits du château fort, large de +/- 1,80 mètre et profond de près de 40 mètres (en parfait état).
Une drève de tilleuls majestueux qui donnait accès au château médiéval au départ de la voie romaine est encore visible.
Après la destruction du château, Revogne resta une prévôté, mais ne reconstruit pas son château fort, ni ses remparts. Petit à petit, elle alla vers le déclin. Son influence diminua au profit d'autres places fortes, entre autre celle du château de Lavaux-Sainte-Anne dont le seigneur était aussi le Prévôt de Revogne. Le Château actuel Vers 1645, Bernard de Harroy,
seigneur de Froidlieu, capitaine-prévôt de Revogne (son
fils sera également seigneur de Luchy), construit un château ferme fortifié un peu plus
bas, à l'emplacement de l'ancienne basse-cour du château
féodal. (celui qui subsiste actuellement).
Après la destruction de son château féodal, Revogne se dépeuple et devient petit à petit un domaine rural. Les prévôts subsistent, mais leurs pouvoirs s'amenuisent. Ils ont principalement en charge de relever les impôts. Parmi les plus connus et les plus influents, on relèvera les seigneurs de Neuville. Le passage sous le régime français se
fit sans heurt à Revogne. Le seul changement apparent
fut la perte pour les seigneurs de Neuville de
l'ancienne prévôté qu'ils tenaient en engagère depuis
1702. Mais le domaine du château resta intact dans les
mains de la famille de Pierpont, qui n'avait jamais
joui de droits seigneuriaux à Revogne. En 1942, la
propriété du château comptait encore 140 ha environ sur
Revogne, dont la ferme du château de 68 ha. Lors du
concordat de 1804, la paroisse de Revogne fut supprimée
et le village fut rattaché à la paroisse de Froidlieu.
Cette annexion dura jusqu'en 1836, mais après 1830, elle
ne fut pas sans occasionner des difficultés, car
Froidlieu était luxembourgeois et notre province
actuelle de Luxembourg ne fut rattachée à la Belgique
indépendante qu'en 1839. C'est sans doute pour cette
raison qu'en 1836, Revogne fut rattachée à la paroisse
de Honnay dans la province de Namur, dont elle fait
toujours partie. Le commerce et l'industrie La première trace d'activité industrielle date de 1354 : en effet, un relief cite à Revogne "la porte vers le four à chaux". Les fours à chaux avaient une importance capitale puisque cette chaux servait de ciment et de plafonnage pour toutes constructions. Fin du XIXe, des fours à chaux existent encore à Revogne mais ont disparu aujourd'hui.
Une brasserie est également signalée par les textes anciens à moins d'un Km de Revogne. Au début du 19ème siècle, la vie économique est dominée par l'agriculture, ainsi que par l'élevage et les commerces de chevaux. L'activité industrielle se résume au filage du chanvre et du lin, à deux moulins à eau et une brasserie. En 1868-1869, on cite pour Revogne la production des mines de plomb et de pyrite. Conclusion Rappeler tout ce passé agité, qui fut celui de ce petit coin de Wallonie, pour qu'il ne meure pas entièrement, tel est notre but. (dixit: Eugène Nemery de Bellevaux) Les sources D'après le livre de Eugène Nemery de Bellevaux: "Revogne Ville déchue, centre vital de la Famenne liégeoise au moyen âge" : Pro Civitatate 1965. Collection Histoire. |